Qui a joué une musique triste ce matin devant ma porte et refermé le volet que j’avais laissé entrebâillé ?
Qui a mangé en pleine nuit les graines des oiseaux et les miettes qui trainaient sur la table du jardin ?
Qui étaient ces enfants qui gazouillaient dans mon rêve et battaient des mains au rythme de mon cœur, clignaient les yeux au rythme de mes pas ?
Qui m’a volé ma paix, ma joie de vivre, mon égalité d’âme, mon bâton ferré et les chaussures de marche avec lesquelles je parcourais le monde.
Qui me soufflera les mots que je dois te dire pour te rassurer, pour laisser les non-dits peupler de présences nos soirées d’hiver ?
Qui me rapportera la pierre philosophale que je cherche désespérément depuis des années parmi les cailloux gris de l’allée ?
Qui écoutera ce que j’ai encore à dire et oubliera pudiquement ce que j’ai déjà trop dit, ce que j’ai hurlé dans le désert mon cœur blessé ?
Qui ravivera la flamme qui s’éteint, la source qui se tarit, le désir d’aller vers les autres, les couleurs de l’automne sous la pluie fine qui délave mes yeux ?
Qui me dira les quatre vérités que je ne veux pas entendre, les mille mensonges nécessaires et les secrets de mon adolescence perdue dont je suis devenu incapable de parler ?
Qui écrira des mots si purs et si vrais que je n’aurais jamais plus l’audace ou l’envie de jeter les miens sur le papier jauni ?
Qui m’apprendra à vieillir dans l’espoir, à décliner sans révolte, à traiter le temps qui passe comme un ami et les heures qui s’enfuient comme de vieilles compagnes bienveillantes ? Qui sera là à mes côtés quand je prononcerai mes derniers mots et fermerai une dernière fois mes yeux à ce monde ?