Le sommeil du juste

Plus souvent qu’à mon tour, je me suis fourré le doigt dans l’œil jusqu’à l’omoplate et bien franchement, ça fait un mal de chien au point de tomber dans les pommes.

Dieu merci, ceux qui aboient ne mordent pas et la caravane passe sur les ondes du temps qui fuit comme un voleur pris la main dans le sac.

Ce matin, du reste, il fait un froid de canard et l’automne s’installe peu à peu : autant de raisons de faire la grasse matinée, puis contre fortune bon cœur le reste de la journée.

Je ressasse mes secrets de polichinelle dans mon petit cœur d’artichaut, rêve bêtement de vendre la peau de l’ours avant de l’avoir acheté et évidemment je rentre toujours bredouille dans mes songes.

Voilà ce qui arrive quand on prend des vessies pour des lanternes et qu’on se raconte des salades dès potron-minet.

Plus tard, néanmoins, quand je serai à nouveau d’aplomb, j’aimerais construire des châteaux en Espagne pour y loger tous mes amis et qu’ils y sentent comme de petits coqs en pâte, qu’ils y boivent du petit lait et puissent y reprendre du poil de la bête quand les épreuves de la vie les auront trop secoués.

En attendant, je mire ma face hirsute dans des miroirs aux alouettes et j’attends qu’une hirondelle nous ramène le printemps, la charrue, les bœufs et l’eau à mon moulin.

Bref, je tire le diable par la queue, des plans sur la comète et m’ennuie comme un rat mort. Je ne suis pas sorti de l’auberge, je vous le dis, et je file un mauvais coton qui ne réchauffera ni mes vieux os, ni ma chair de poule mouillée.

Je me sens un peu comme la cinquième roue du carrosse, le marchand de sable est passé entre chien et loup et bientôt, à nouveau, je dormirai à poings fermés comme un loir et du sommeil du juste.

Demain, sans doute, un pavé dans la mare me réveillera tout de go et quelqu’un éclairera ma lanterne dont je m’empresserai de brûler la chandelle par les deux bouts si j’ai réussi à n’en pas vendre la mèche d’ici là.

L’homme vit d’espoir et demain est un autre jour.

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